« Ces femmes étaient d’une telle politesse impuissante, c’était affreux ! »

vaguelette rouge

publié le 23 mai 2022

Catégorie : Nos actualités

Peter Modler, vous avez écrit un livre sur "Le Principe de l'arrogance" qui s'est vendu à plus de 100 000 exemplaires en Allemagne et sort bientôt en version audio en France. De vos expériences, vous livrez une étude sur les problèmes communicationnels que rencontrent les femmes au cours de leur vie professionnelle. Vous avez accepté de répondre à nos questions.

dr. peter modler
Dr. Peter Modler / Photo Sebastian Magnani

Pourriez-vous nous dire quelques mots de votre parcours : comment en êtes-vous venu à théoriser les différences de modes de communication entre les hommes et les femmes ?

Vous faites de nombreuses allusions à vos formations dans votre livre. Combien de personnes formez-vous par an ? Sous quel format ?

Votre livre «Le Principe de l’Arrogance» se présente comme un manuel destiné avant tout aux femmes. Arrive-t-il que des hommes suivent vos formations ?

Y’a-t-il un profil «type» de personnes faisant appel à vous ? L’avez-vous vu évoluer au cours des dernières années ?

Vous est-il arrivé d’être sollicité, non pas pour aider des personnes de profil « horizontal » à se débrouiller en mode « vertical » mais l’inverse ? Ce qui reviendrait à dire que certaines organisations formalisent le fait qu’un mode de communication horizontale serait plus souhaitable qu’un mode de communication vertical ?

Comment la France se positionne-t-elle sur ces sujets de communication verticale et horizontale par rapport à l’Allemagne ? Y’a-t-il des différences notables que vous avez pu observer selon les pays ?

Pourriez-vous nous dire quelques mots de votre parcours : comment en êtes-vous venu à théoriser les différences de modes de communication entre les hommes et les femmes ?

Quand pour la première fois, j'ai dirigé à l’université un séminaire, j'ai donné aux étudiantes et étudiants des devoirs. Lors de la session suivante, j'ai remarqué que les étudiantes étaient très bien préparées et avaient travaillé sérieusement. Ce n'était le cas que pour un tiers des étudiants. Un deuxième tiers, n’avait travaillé que le minimum attendu, pas plus. Le dernier tiers avait totalement échoué : pas de logique, pas de recherche scientifique, une orthographe ridicule, des essais de triche évidents ... Bref : tout ce qu’on pouvait faire de faux, ils l’avaient fait. 
Mais, mystérieusement, ces hommes sans la moindre once de professionnalisme, n'avaient aucun problème à se positionner devant tout le monde et se comporter comme les stars du séminaire. Ils se vantaient de leurs mérites (inexistants) et en faisaient tout un foin. Il était évident que les étudiantes avaient tout de suite compris l'imposture, mais personne ne disait rien. Elles étaient d’une telle politesse impuissante, c’était affreux ! Alors, j'ai discuté de ce comportement des deux cotés et nous avons développé ensemble un petit entraînement « Comment arrêter les bavards ». Et c'est ainsi, que mon travail autour de la communication des femmes et des hommes commença.

Vous faites de nombreuses allusions à vos formations dans votre livre. Combien de personnes formez-vous par an ?
Sous quel format ?

Mes formations, que j'appelle « Arroganz-Trainings® », se déroulent sous un format bien spécial. 
Dans une salle, se trouvent vingt-cinq femmes cadres et dirigeantes. 
Dehors, dans le couloir, attend un sparring-partner masculin, qui sert de partenaire d’entraînement. Il a comme seule qualification d’être un homme et de pouvoir parler. C’est tout. Cela ne doit jamais être ni un comédien, ni un psychologue. Peu importe le reste. Il n’a pas eu de directives sur la manière de se comporter. Il sait seulement qu’il va entendre le récit d'une situation à laquelle l'une des femmes présentes a été confrontée au cours de sa vie professionnelle. Ensuite, le partenaire masculin participe à la mise en scène de cette situation, dans laquelle il va incarner le chef, le patron, le collègue, le client, qui a agi désagréablement.
Normalement, ces hommes non préparés se comportent dans la plupart des cas exactement comme les hommes de la situation réellement vécue. Pourtant, le sparring-partner n’a pas la moindre idée de l’entreprise ou de la branche concernée. C'est très intéressant et très efficace. Parce qu'alors, on peut commencer à expérimenter ce qui arrête ou modifie son comportement et ce qui est absolument sans effet chez lui. Comme les appels à la morale, par exemple.
Je travaille avec une centaine de femmes par an. J'ai formé trois mille dirigeantes et dirigeants environ.

Votre livre « Le Principe de l’Arrogance » se présente comme un manuel destiné avant tout aux femmes. Arrive-t-il que des hommes suivent vos formations ?

Pas au début, mais à présent, oui. De manière similaire aux «Arroganz-Trainings®» classiques, je travaille avec des cadres masculins et avec un sparring-partner féminin. La demande émane souvent d'entreprises industrielles qui veulent augmenter le nombre de femmes dans des postes de direction mais ne savent pas comment leur donner les outils de communication adéquats. Ils sont conscients du fait que la seule qualification n'est pas décisive pour prendre ces fonctions là.

Y’a-t-il un profil « type » de personnes faisant appel à vous ? L’avez-vous vu évoluer au cours des dernières années ?

Je travaille avec des dirigeantes et dirigeants. Ce ne sont pas des personnes sans problèmes qui viennent chez moi, mais celles qui ne se sentent pas appréciées malgré des succès objectifs.
Ce sont souvent des gens doués et motivés. Ils ne comprennent pas que la performance factuelle ne suffit pas, mais que c'est le comportement au sein de la structure qui est déterminant pour une carrière. 
Ce que j’observe dans ces dernières années, c’est l’augmentation d’une certaine naïveté politique d’après laquelle il suffirait de formuler une position morale et reconnue pour qu’une réalité change. C'est bien rarement le cas. Il faut lutter pour l’émancipation, toujours encore, et sans se faire des illusions.

Vous est-il arrivé d’être sollicité, non pas pour aider des personnes de profil « horizontal » à se débrouiller en mode « vertical » mais l’inverse ? Ce qui reviendrait à dire que certaines organisations formalisent le fait qu’un mode de communication horizontale serait plus souhaitable qu’un mode de communication vertical ?

Ce qu’il nous faut avant tout, c’est le mix des systèmes. Il n’y a pas de système linguistique qui serait innocent, ils fonctionnent différemment, c’est tout… 
En ce qui concerne notre futur économique, il apparaît clairement que les monocultures périssent. Elles ne sont pas assez résilientes. C’est pourquoi aucun « fondamentalisme » vertical ou horizontal ne sera productif, même un fondamentalisme horizontal. 
Pour ce qui est de la communication verticale et horizontale, il faut dire aux représentants des deux cotés que la qualité décisive des dirigeantes et dirigeants serait le bilinguisme, la capacité à switcher entre les deux systèmes ; pas la sacralisation du système auquel je me suis habitué. Le futur, c’est le mélange.

Vous intervenez avant tout en Allemagne mais vous êtes parfaitement francophone. Comment la France se positionne-t-elle sur ces sujets de communication verticale et horizontale par rapport à l’Allemagne ? Y’a-t-il des différences notables que vous avez pu observer selon les pays?

J’admets que je connais très peu la réalité des organisations et entreprises en France. Vu de dehors, de l'autre côté de la frontière, je m’étonne parfois de la pérennité des idées aristocratiques dans le management au lieu de la performance factuelle.
Tu étais dans cet établissement scolaire, tu as réussi ces concours, tu connais ce jargon – alors tu es l'un de nous et nous te soutenons. Et ce, même si tu n’as pas connu quelque succès que ce soit depuis des années. Une manière verticale de communiquer s'est répandue dans ces milieux sans qu'on s'en soit rendu compte. 
Ce qui me semble également plus répandu que dans la culture économique allemande, c’est le style manipulateur des verticaux : je veux te nuire, mais je le masque sous des messages officiellement amicaux, bienveillants, charmants, même flirtants. Il est possible, mais très difficile, de se défendre.


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